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Saint-Gobain annonçait ces derniers jours dans la presse le changement de nom de son site saint-gobain.fr qui devient lamaisonsaintgobain.fr, avec un message clair véhiculé par son communiqué de presse : « accompagnés de A à Z par La maison Saint-Gobain, marque de confiance, les particuliers peuvent passer du rêve à la réalité en toute sérénité ». Cet acteur, fabricant et distributeur s’adressant historiquement aux professionnels, fait ainsi un pas de plus en avant dans la clarification de son discours de marque à destination des particuliers.
Avec cette annonce, Saint-Gobain rejoint un club dont la composition s’est élargie et diversifié ces dernières années. D’autres acteurs traditionnels de la fabrication et de la distribution de matériaux, comme Lafarge ou Lapeyre, ont en effet d’ores et déjà développé leur communication directe à destination des clients finaux particuliers. Ils se retrouvent ainsi en concurrence frontale avec les distributeurs comme Leroy Merlin, le BHV ou Castorama, qui sont passés de la simple vente de matériaux et outils à l’apport de conseils puis la fourniture de service pour les travaux.
Par exemple, Leroy Merlin propose des services permettant de faire réaliser ses travaux par des artisans. L’enseigne se positionne comme maître d’œuvre (donc tiers de confiance) sous la marque Homegenius par Leroy Merlin. Elle propose également sous la marque Fribiz un réseau de « bricoleurs à domicile » pouvant prendre en charge tous types de petits travaux dans la maison.
Une concurrence âpre et qui s’élargit
Plus récemment, de nouveaux entrants parfois moins attendus sont arrivés sur ce marché : Carglass, spécialiste du bris de glace automobile a fait l’acquisition fin 2017 de Maisoning, une société créée en 1967 proposant des services de dépannage, de réparation et de rénovation La concurrence de Carglass attendait une diversification de ce leader sur son marché dans des activités directement liées à son cœur de métier comme la carrosserie express.
Or, c’est dans le domaine de la maison que Carglass a choisi d’investir, jouant sur sa connaissance de la relation avec les particuliers et sa capacité à inspirer confiance par une qualité de prestation homogène et réputée de haut niveau. Carglass s’appuie également sur la forte notoriété de sa marque, en renommant Maisoning en janvier 2019 « Carglass Maison » et en affichant une promesse forte de disponibilité (7 jours sur 7, 24 heures sur 24) et de qualité de service.
Ce marché a également attiré récemment deux autres acteurs de taille dans l’énergie : Engie, et EDF. Engie a de son côté racheté en novembre 2017 la start-up Mesdépanneurs en conservant le nom de la plate-forme, le soulignant simplement de la signature « une solution Engie ».
EDF a quant à lui dévoilé en février 2019 sa plate-forme de travaux à domicile : IZI by EDF, qui propose des services comme les petits travaux, les travaux de rénovation et l’entretien d’équipements réalisés par un « partenaire artisan ».
Perspectives positives
Si le marché de l’amélioration de l’habitat et des petits travaux chez les particuliers attire tant de convoitises, c’est qu’il présente un potentiel important et croissant. Il n’est pas forcément évident d’en délimiter quantitativement les contours tant la chaîne des intervenants est riche : distributeurs, professionnels de l’architecture et de la décoration, artisans peintres, maçons, électriciens, fabricants et distributeurs de matériaux et outils, etc.
Actuellement, les acteurs historiques au service des particuliers sont nombreux et souvent de petite taille. Toute une partie de cette économie peut également échapper aux statistiques de par le « marché caché ». Parmi les 2,5 millions de travailleurs au noir en France, une partie sans doute importante concerne tous ces petits travaux.
Plusieurs signaux nous montrent toutefois le développement du potentiel de ce marché en termes économiques. Le magazine spécialisé Houzz a annoncé en mai 2018 dans son baromètre annuel des perspectives positives pour les 12 mois à venir, en termes de revenus des professionnels de l’architecture et de la décoration.
L’embellissement et l’adaptation aux styles de vie des habitants, à leur âge ou à la composition des ménages constituent un levier porteur. La rénovation énergétique apporte également de fortes perspectives, comme le souligne l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans son enquête TREMI. Sur la période 2014-2016, 5,1 millions de ménages en maisons individuelles ont en effet réalisé des travaux à visée d’amélioration énergétique, pour une dépense moyenne de 11 750 euros par logement, le tout représentant un chiffre d’affaires de 59,3 milliards d’euros sur la période.
Le potentiel de ce marché sera également alimenté dans les années à venir par l’évolution technologique et sociodémographique de la population. Comme le souligne le sociologue Gérard Mermet dans son ouvrage « Francoscopie 2030 », le logement évolue pour remplir à la fois des fonctions traditionnelles liées aux besoins fondamentaux (alimentation, repos, hygiène, sécurité) ou plus aspirationnels (loisirs, représentation au sein d’une communauté), mais également pour répondre à de nouveaux besoins liés au développement du télétravail, aux nouveaux besoins de communication, ou encore par exemple à un souci de protection écologique.
Une confiance difficile à établir
Les exemples cités précédemment révèlent des stratégies différentes mais qui ont toutes amené les entreprises concernées à s’adresser à une même cible, en l’occurrence les particuliers, via un support digital qui leur permet de se positionner en tiers de confiance.
Un décryptage se basant sur la grille de lecture des 5 forces de Porter nous montre que de nouveaux entrants comme Carglass, Engie ou EDF sont venus renforcer la concurrence sur un secteur où, traditionnellement, il existait déjà un nombre important d’alternatives (le travail au noir ou le bricolage personnel comme substitutions à la prestation de l’artisan). Sur ce marché, la relation entre client et fournisseurs ne s’avère pas toujours évidente. Comme le souligne par exemple Éric Lagandré, chargé de mission pour la maîtrise de l’énergie à l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah), dans le cas de la rénovation énergétique, les artisans doivent faire face à des clients ayant des motivations complexes et variées, et eux-mêmes peuvent avoir des difficultés à apporter une réponse fiable à la demande en raison de l’insuffisance ou du foisonnement d’information sur les nouvelles techniques ou sur les aides publiques.
Il n’est pas facile de créer la confiance dans ce type de situations, d’où le fait que, souvent, l’appel aux services d’un artisan pour de travaux domestiques se fera sur recommandation de proches. Dans son étude « Capital social et profits des artisans du bâtiment : le poids des incertitudes sociotechniques », la sociologue Catherine Comet constate que « près de quatre artisans interrogés sur cinq réalisent la majorité de leur chiffre d’affaires grâce au bouche-à-oreille ».
La digitalisation et le développement des plates-formes de mise en relation font surgir de nouveaux acteurs, qui sont tous des marques à forte notoriété, ayant construit une équité élevée au sens de Keller et bénéficiant donc a priori d’une certaine confiance de la part des consommateurs. Il sera donc intéressant de suivre le devenir de ce marché dans les années à venir. Personne ne sait en effet encore si cette nouvelle configuration transformera le lien entre consommateurs et artisans, si ces nouveaux tiers de confiance parviendront à jouer un rôle effectif d’intermédiaire, et si des variables comme la proximité physique et géographique ou encore la recommandation par des proches joueront un rôle modérateur ou seront atténuées par la digitalisation.
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Pascale Patat-Dubouis, Enseignante et chercheuse en marketing et business development, IÉSEG School of Management
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.