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Il y a dix ans à San Francisco, UberCab (soit SuperTaxi), devenu Uber, lançait la première application de mise en relation d’utilisateurs avec des conducteurs réalisant des services de transport. Depuis, les services concurrents de voiture de transport avec chauffeur (VTC) prolifèrent à travers le monde.
Que ce soient Lyft aux États-Unis et en Europe, Didi Chunxing en Chine, Bolt, Kapten, Caocao, Marcel ou le luxueux Wheely qui ne propose que des Mercedes-Benz en France, TemTem en Algérie, OTO en Tunisie, Careem au Maroc ainsi que Snapp en Iran, ces services de transport de porte à porte ont transformé l’expérience et les comportements des consommateurs dans leurs déplacements quotidiens.
Afin de comprendre l’engouement pour ce type de service en France notamment en comparaison d’autres services de transports relativement semblables (taxis ou voiture personnelle) ou plus éloignés (transports publics), nous avons entrepris un travail de recherche qui vise à identifier les raisons de la satisfaction ou de l’insatisfaction des consommateurs à l’égard des services de VTC.
Si les répondants évoquent des avantages comme le confort, le coût modéré par rapport au plaisir d’être servi, ou encore le gain de temps permis par la simplification de la commande et du paiement, nous souhaitons nous attarder sur deux facteurs qui affectent particulièrement le niveau de satisfaction : d’une part la performance de l’interface permettant de commander une course, et d’autre part la qualité de service, de l’aspect des équipements à la manière d’être du conducteur qui, rappelons-le, n’est en aucun cas salarié de l’entreprise de VTC. Ainsi, la qualité globale du service dépend, pour chaque course, de deux « fournisseurs ».
Dès lors, la question de l’harmonisation de la qualité de service de bout en bout se pose.
Le design de l’interface au cœur du service
La véritable innovation proposée par les services de VTC repose avant tout dans la capacité à fournir une plate-forme ergonomique de mise en contact immédiate et géolocalisée de l’offre et la demande de mobilité.
Les réponses des personnes interrogées reflètent ainsi l’importance du rôle de l’interface de l’application dans l’expérience des utilisateurs et la valeur perçue du service. Certains répondants décrivent les sites Web ou applications des VTC comme « ergonomiques » (répondant 7), « riches en informations » (répondant 1), « assez faciles à utiliser » (répondant 3).
En outre, la satisfaction à l’égard du service augmente de 19 % lorsque l’accessibilité de celui-ci progresse et elle atteint 52 % lorsque la perception de la qualité de l’application présente une amélioration.
Parmi les aspects fréquemment mentionnés par les répondants, on trouve : une « conception simple » qui permet aux clients de naviguer sur le site Web ou sur l’application et de connaître sa localisation ; qui présente « suffisamment d’informations » sur les services offerts par l’entreprise (répondant 23) ; ou encore une application « facile à charger » qui s’affiche dans les zones où la 4G n’est pas accessible.
Au contraire, si l’application est conçue comme un labyrinthe et que ses options pour choisir ou modifier la destination ne sont pas faciles à identifier, les consommateurs peuvent se sentir frustrés et subir une sorte de fardeau psychologique supplémentaire lors de l’utilisation de l’application.
Lorsqu’on leur a demandé quelle était leur source de satisfaction et d’insatisfaction avant la course, les répondants ont répondu : « L’application est très claire et bien structurée. On ne s’y perd pas… » (répondant 24) ; ou encore, a contrario, « parfois, nous ne pouvons pas réserver le voyage à l’avance, car le service est temporairement indisponible » (répondant 19).
Les résultats montrent en outre qu’une augmentation de la satisfaction, notamment liée au gain de temps permis par la facilité d’utilisation de l’interface, accélère la fidélité de 71 % et augmente le bouche-à-oreille, notamment électronique (electronic word of mouth ou eWOM) jusqu’à 68 %.
Ainsi, dans un environnement de plus en plus concurrentiel, les entreprises de VTC ont tout intérêt à perfectionner le design de leur interface et à en simplifier l’utilisation au maximum.
Quelle marge de manœuvre réelle sur la qualité ?
Mais le service VTC ne s’arrête pas là. L’expérience des consommateurs au cours de la course impacte directement leur satisfaction à l’égard des services de VTC. La qualité des équipements tels que des voitures bien entretenues ainsi que la compétence des chauffeurs en matière de conduite, mais aussi de relationnel client (serviabilité, politesse, empathie, attention personnalisée) jouent un grand rôle.
Les clients ont tendance à juger l’entreprise de VTC globalement fiable s’ils vivent une bonne expérience avec le chauffeur lors de leur course. L’accessibilité du chauffeur fait partie des facteurs qui peuvent consolider ou au contraire rompre la relation du consommateur avec l’entreprise de VTC.
Cela se traduit notamment par la formulation de bons ou mauvais commentaires pour l’entreprise ou par une notation plus ou moins sévère du conducteur. En effet, les plates-formes de VTC sont construites sur un système d’évaluation croisée : le client évalue le service reçu et le prestataire évalue le client.
À noter que les clients attendent beaucoup d’une course réalisée dans un contexte sensible à savoir lorsque le temps est contraint : trajet pour se rendre à l’aéroport, un concert, une réunion, une salle de classe ou un rendez-vous avec un médecin. Ainsi, la ponctualité, la paix et le confort que les consommateurs ressentent lors d’un voyage constituent une priorité.
Une harmonisation possible ?
Les services de VTC fonctionnent sur la base de modèles économiques de pair à pair. Les plates-formes jouent donc uniquement un rôle d’intermédiaire. En effet, malgré des procédures en cours de requalification des travailleurs indépendants en salariés, les chauffeurs ne sont ni employés ni véritablement formés par les entreprises qui gèrent les plates-formes.
Il est même très fréquent que les chauffeurs travaillent en parallèle pour plusieurs plates-formes sans pour autant modifier leur comportement vis-à-vis d’un client, quelle que soit sa provenance.
De plus, les conducteurs utilisent leurs propres voitures privées pour fournir la prestation de service (ou en louent une auprès d’une entreprise spécialisée par le biais de l’entreprise de VTC).
La qualité et l’entretien des voitures ne sont donc pas strictement contrôlés par l’entreprise de VTC comme peuvent l’être les voitures constituant une flotte de location par exemple. Pourtant, les consommateurs attribuent l’état des voitures et le comportement des chauffeurs à la plate-forme VTC.
Les gestionnaires de service ont toujours la possibilité d’imposer des réglementations aux chauffeurs pour l’entretien de leurs voitures et l’utilisation de climatiseurs pour les zones et la période de l’année où le climat le demande par exemple.
Il reste également possible de prêter une attention stricte au recrutement des chauffeurs de services de VTC ou d’organiser des cours pour les conducteurs et leur enseigner l’éthique, les codes vestimentaires et les codes pour l’entretien des véhicules.
Mais, rien ne garantit un niveau élevé ni une harmonisation de la qualité de service dans les faits.
Ainsi, le modèle d’affaires de pair à pair, devenu une référence en matière d’optimisation des coûts possèdent quelques limites quand il s’agit de délivrer une expérience de qualité. Effectivement, celle-ci ne s’arrête pas au moment de la commande de la course.
Si en dépit du système de notation des chauffeurs, il reste compliqué pour les entreprises de VTC de garantir un niveau de service optimal lors des courses, il leur est cependant possible d’agir sur le rapport qualité/prix en diminuant le coût du trajet.
Ce coût est principalement déterminé automatiquement en fonction de l’itinéraire et des conditions de demande des services de VTC. Ainsi les gestionnaires de plate-forme gagneraient à accorder une attention toute particulière aux algorithmes de calcul des coûts de voyage ou aux programmes récompensant la fidélité des clients pour améliorer leur image.
Cela permettrait notamment de gagner la confiance des consommateurs. Ces derniers ont souvent l’impression d’être « arnaqués » par un système qui tire parti de l’évolution de la demande ou des conditions de circulation et qui ne tient compte des « erreurs » de calcul de prix qu’a posteriori après une demande auprès du service clients.
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Jean-Eric Pelet, Enseignant chercheur en marketing et systèmes di’information, ESCE International Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.