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la délicate évaluation de la contribution des plates-formes numériques

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Avec la digitalisation, les biens numériques ont envahi tous les domaines de notre vie quotidienne. Notre univers devient ainsi peuplé de digital goods, en réalité de simples programmes informatiques, tels que la recherche en ligne, les logiciels, les images, les vidéos en continu, les musiques, les objets connectés, la cartographie numérique, etc.

Dans ce contexte, il semble donc important de comprendre ce qu’il se passe d’un point de vue économique quant à ces nouveaux biens : quels sont leurs coûts ? Comment se forment les prix ? Quelle est leur contribution au PIB ?

Une copie du bien ne coûte presque rien

Les biens numériques ont d’abord été analysés par leur coût de production – comme les autres biens. La numérisation facilite l’abstraction et la virtualisation d’un support (texte, image, vidéo, etc.) en fabriquant une image (un avatar) qui le représente dans le monde virtuel.

Cette opération exige des coûts fixes élevés, mais le coût variable reste faible et le coût marginal décroît rapidement pour devenir insignifiant. Autrement dit, le développement d’un nouveau logiciel est coûteux, mais une fois ce logiciel développé, une copie additionnelle ne coûte pratiquement rien. Or, la copie d’un bien numérique n’est autre que le bien lui-même.

Par exemple, le géant américain de la distribution en ligne Amazon a construit une infrastructure solide pour vendre des produits sur Internet : capacité informatique massive, service de données, réseau logistique étendu. Une fois cette infrastructure installée, elle est utilisée pour écouler des produits très différents à des coûts marginaux de plus en plus faibles : livres, produits artisanaux, vidéos en ligne, produits alimentaires (grâce au rachat de l’entreprise de distribution alimentaire biologique, Whole Foods).

Les services en ligne, dont le prix monétaire est nul (le client ne peut pas acheter l’infrastructure informatique d’Amazon), sont financés par des commissions payées par les utilisateurs professionnels des plates-formes, ou par la publicité. Pour les services financés par la publicité, les consommateurs fournissent gratuitement des données sur leur comportement actuel et des indications sur leur comportement futur. Les séries de données obtenues sont a priori un bien non-rival : le fait que plusieurs entreprises accèdent à ces données ne prive aucunes d’entre elles.

Cependant, la contradiction entre leur prédisposition au partage et la possibilité d’ériger des formes de protection (contrats, barrières techniques) permet de les qualifier de biens quasi privés.

Les données se transforment en marchandises lorsque les plates-formes les regroupent, les classent et les analysent pour en extraire de la valeur. Une fois traitées et affinées par les algorithmes et les applications spécifiques, elles vont influencer les stratégies de captation de la valeur : filtrer les contenus triés par les algorithmes, capter l’attention des consommateurs et étendre les parts de marché.

Les données deviennent des marchandises une fois qu’elles sont regroupées, classées et analysées.
Gerd Altmann/Pixabay, CC BY

L’histoire économique nous enseigne que la terre, le travail et la monnaie correspondaient à des groupes sociaux, à savoir les propriétaires fonciers, les travailleurs et les capitalistes. Les plates-formes représentent le groupe social qui a éclipsé en partie l’État dans la gestion des données massives. Données que les usagers des plates-formes mettent sur le marché, non pas en vue de vendre, mais en cliquant pour s’informer, se divertir, acheter, etc. En retour, ces derniers bénéficient de prestations difficiles à quantifier.

Mesurer la contribution au PIB

On considère ici les services gratuits rendus par certaines plates-formes numériques, notamment les services d’information et de divertissement. Quelle est leur contribution au PIB ? Pour tenter de le savoir, des économistes américains ont tenté en 2019 une procédure en deux étapes : évaluer la contribution apportée au PIB américain par le réseau social Facebook, puis évaluer sur un échantillon de participants dans un laboratoire universitaire aux Pays-Bas les services rendus par huit plates-formes numériques (Instagram, Snapchat, Skype, WhatsApp, digital Maps, LinkedIn, Twitter et Facebook).

La somme offerte à ces participants pour renoncer à ces services pendant un mois varie de 1 à 500 euros. Chaque participant devait ainsi prendre huit décisions. Ce test a rassemblé 426 participants, soit au total plus de 400 décisions pour chaque service numérique.

Dans la première étape, n’ont été retenus que les utilisateurs de Facebook et la combinaison des réponses a permis d’estimer la courbe de demande. Le réseau social a été créé en 2003 et est devenu un service gratuit cette année-là. Sur la période 2003-2017, la contribution de Facebook au bien-être, appréciée sous forme monétaire aux États-Unis, a été estimée à 231 milliards de dollars (en dollars de 2017), ce qui représente une moyenne de 16 milliards de dollars par an. Le surplus de bien-être pour chaque utilisateur sur la même période 2003-2017 est de 1 143 dollars.

On peut estimer que ce chiffre est élevé lorsqu’on sait que l’utilisateur moyen se connecte à Facebook au moins une fois par mois pour un temps de connexion de 40 minutes. Dans ce contexte, le PIB estimé augmenterait de 1,54 point de pourcentage, soit 0,11 point de pourcentage en moyenne par an et la productivité augmenterait dans la même proportion.

Le service numérique rendu par Facebook a trois caractéristiques. C’est une innovation permettant au plus grand nombre d’utilisateurs de devenir membres d’un réseau social (pas d’effet de rivalité), c’est un bien non inflationniste (la tendance la plus courante est que les prix des produits vraiment nouveaux diminuent rapidement au début, mais ici le bien est gratuit) et il accroît le bien-être des participants.

Facebook propose un service numérique innovant, non inflationniste et qui augmente le bien-être des participants.
PxHere, CC BY

La seconde étape a permis d’observer des évaluations très hautes pour WhatsApp de sorte que le prix de renoncement à ce service s’est établi à 535,73 euros. Ne pas l’utiliser constitue une véritable frustration : cette plate-forme offre un service indispensable de communication avec la famille comme avec les collègues de travail. Facebook affiche un prix de renoncement de 100 euros, Maps de 60 euros, alors que Skype et Twitter n’atteignent qu’un euro.

D’autres plates-formes offrent en effet des possibilités de relation similaires. Les estimations indiquent que si WhatsApp n’est utilisé que par deux millions d’individus aux Pays-Bas, ce qui correspond en gros à la population des 15-24 ans, sa contribution au PIB serait de 0,82 point de pourcentage par an. C’est un chiffre important quand on sait que le nombre réel d’utilisateurs est proche de 10 millions.

De plus, le PIB officiel fait une double erreur de comptage. Si WhatsApp se substitue au téléphone traditionnel, le PIB enregistre la baisse des services téléphoniques, mais oublie de comptabiliser les gains de bien-être procurés par ce service numérique.

Les limites de l’évaluation du PIB apparaissent d’autant plus grandes que des biens numériques gratuits se substituent de plus en plus souvent à des biens traditionnels payés par les utilisateurs.

L’approche par le bien-être ne doit cependant pas masquer les biais sociologiques. Selon le philosophe français Michel Serres, les liens sociaux se transforment et l’espace métrique est remplacé par l’espace topologique. Les voisins ne sont plus ceux des lieux d’habitation, ils sont ceux qui font partie du même réseau.

Sur cette base, Facebook met en œuvre un alignement avec ce principe en proposant des affichages qui sont triés pour convenir aux profils des individus et il s’applique également aux amis qui sont les plus en accord avec des usagers. Avec les conséquences de que l’on connaît en matière de création de bulles de filtre qui multiplient les isolats sociaux. Il n’est pas certain que cela contribue in fine au bien-être…

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Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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